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vos conseils, il faut certainement employer la violence, c’est vous-mêmes », devraient dire les opprimés aux oppresseurs. En effet les non-chrétiens pensent, disent et agissent ainsi. Lorsque parmi les opprimés il en est de plus méchants que les oppresseurs, ils les attaquent et cherchent à les supprimer, et dans les circonstances favorables ils y arrivent, ou, ce qui est plus habituel, ils entrent dans les rangs des oppresseurs et prennent part à leurs violences.

De sorte que cette violence présumée, dont les défenseurs de l’état font un épouvantail, est une réalité qui n’a jamais cessé d’exister. C’est pourquoi la suppression de la violence de l’état ne peut en aucun cas être la cause de l’augmentation de la violence des méchants contre les bons.

Si la violence gouvernementale disparaissait, peut-être les cas de violence se reproduiraient, mais la somme de la violence ne pourrait jamais augmenter par le fait que le pouvoir passerait des mains des uns aux mains des autres.

« La violence gouvernementale ne pourra disparaître que lorsque disparaîtront les méchants, » disent les défenseurs du régime actuel, en sous-entendant que, puisque les méchants seront toujours, la violence ne cessera jamais. Ce serait vrai, mais seulement s’il était exact que les oppresseurs sont les meilleurs et que l’unique moyen de protéger les hommes contre le mal est la violence. Dans ce cas, en effet, la violence ne pourrait jamais cesser. Mais comme, au contraire, elle n’a jamais fait disparaître le mal, et qu’il y a un autre moyen de l’anéantir, l’affirmation que la violence existera toujours est inexacte. Elle diminue de plus en plus et tend évidemment à disparaître, mais non pas, comme le supposent certains défenseurs de l’ordre de choses actuel,