qui il est aussi désagréable qu’à moi d’être fustigés. Il est donc probable que, si je leur ouvre les yeux sur notre position, non seulement ils ne commettront pas de violences sur moi, mais au contraire ils suivront mon exemple.
Mais, en supposant que je dusse souffrir pour ce motif, alors même il me serait plus avantageux d’être déporté ou emprisonné en défendant le bon sens et le bien, que de souffrir pour l’imbécillité et le mal qui doivent disparaître demain, sinon aujourd’hui.
Il semblerait que, à défaut de sentiment religieux ou moral, le simple raisonnement et le calcul devraient amener tout homme à agir ainsi. Eh bien, non. Les hommes de la conception sociale trouvent qu’il est inutile et même nuisible d’agir ainsi pour s’affranchir de l’esclavage, et que, comme les moujiks de tout à l’heure, nous devons continuer à nous fustiger les uns les autres, en nous consolant par ce fait que nous bavardons dans des assemblées et dans des réunions, que nous formons des associations ouvrières, que nous fêtons le 1er mai, que nous complotons et que, en cachette, nous tirons la langue au gouvernement qui nous fouette.
Rien ne s’oppose autant à l’affranchissement des hommes que cet égarement incompréhensible. Au lieu de pousser chaque homme à s’affranchir lui-même, en changeant sa conception de la vie, on cherche un moyen général extérieur, et on ne fait que s’enchaîner plus étroitement. C’est comme si, pour faire du feu, on voulait disposer les morceaux de charbon de façon à ce qu’ils s’allument tous à la fois.
Cependant il devient de plus en plus évident que l’affranchissement des hommes se produira précisément par l’affranchissement de chaque individu. Cet affranchissement d’individus isolés, au nom de la conception