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cédée. Elle ne demande pas à l’homme certains actes négatifs extérieurs, mais elle le place vis-à-vis de ses semblables dans une autre position dont peuvent résulter des actes fort divers, qu’on ne saurait définir d’avance. C’est pourquoi le chrétien ne peut pas promettre d’accomplir une volonté étrangère sans savoir en quoi elle consistera, ni obéir aux lois humaines changeantes, ni promettre de faire ou de ne pas faire quelque chose dans un temps donné, parce qu’il ignore à quel moment la loi chrétienne de l’amour pour laquelle il vit, lui demandera quelque chose et ce qu’elle lui demandera. Par cette promesse le chrétien déclarerait que la loi de Dieu n’est plus la seule loi de sa vie.

Le chrétien qui promettrait d’obéir aux lois humaines serait comme un ouvrier qui, entrant au service d’un patron, promettrait en même temps d’obéir aux ordres d’étrangers. On ne peut pas servir deux maîtres à la fois.

Le chrétien s’affranchit du pouvoir humain par ce fait qu’il reconnaît seulement la volonté de Dieu. Et cet affranchissement s’accomplit sans luttes, non pas par la destruction des formes actuelles de la vie, mais par la modification de la conception de la vie. Cet affranchissement se produit parce que le chrétien, soumis à la loi de l’amour qui lui a été révélée par le Maître, considère toute violence comme inutile et coupable, et aussi parce que les privations et les souffrances, qui maîtrisent l’homme social, ne sont pour lui que les conditions inévitables de l’existence et qu’il les supporte patiemment, sans révolte, comme les maladies, la famine et les autres calamités.

Le chrétien agit selon la prophétie appliquée à son Maître : « Il ne contestera point, et ne criera point, et on n’entendra point sa voix dans les places. Il ne rompra