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consacrer toute sa vie, pour un traitement, à organiser la guerre ou à se préparer et préparer les autres à la tuerie. Demandez-lui encore s’il est louable et s’il est digne, s’il est propre à un chrétien d’avoir pour occupation rétribuée de saisir des malheureux égarés, souvent illettrés, ivrognes, sous prétexte qu’ils se sont appropriés le bien d’autrui, dans des proportions bien moindres que nous, ou parce qu’ils tuent d’une façon autre que celle qui nous est habituelle ; de les emprisonner, de les torturer, de les tuer pour cela. Est-il louable, est-il digne de l’homme et du chrétien, toujours pour de l’argent, d’enseigner au peuple, à la place du christianisme, de flagrantes superstitions, grossières et dangereuses ? Est-il louable et digne de l’homme de prendre pour son plaisir ce qui est nécessaire aux premiers besoins de son prochain, comme le font les grands propriétaires terriens ? ou bien de le forcer à un travail au-dessus de ses forces comme le font pour augmenter leurs richesses les propriétaires d’usines ou de fabriques ? ou de profiter du besoin des hommes pour augmenter ses richesses, comme le font les marchands ? Et chacun pris à part, et surtout si on parle d’un autre que lui, répondra non. Et cependant ce même homme qui voit toute l’ignominie de ces actes, qui n’y est forcé par personne, souvent sans profit matériel de traitement, pour la simple vanité puérile, pour un bibelot d’émail, un bout de ruban, un galon qu’on lui permettra de porter, s’engagera volontairement pour le service militaire, se fera juge d’instruction ou juge de paix, ministre, commissaire, archevêque ou bedeau, fonctions qui l’obligeront à commettre des actes dont il ne peut ignorer la honte et l’ignominie.

Je sais que beaucoup de ces hommes essayeront de prouver avec assurance que tout cela est non seulement