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de nouveaux. Les opprimés ne seront plus les mêmes ; l’oppression prendra des formes nouvelles, mais, loin de disparaître, elle deviendra plus cruelle parce que la lutte aura augmenté la haine entre les hommes.

La situation des chrétiens et surtout leur idéal le prouvent avec une évidence frappante.

Il ne reste aujourd’hui qu’un seul domaine qui ne soit pas accaparé par le pouvoir, c’est le domaine de la famille et de l’économie domestique, le champ de la vie privée et du travail ; mais, grâce au mouvement communiste et socialiste, il est envahi peu à peu par le gouvernement, de sorte que le travail et le repos, le gîte, le vêtement, la nourriture, si le désir des réformateurs se réalisait, ne tarderaient pas à être réglementés.

Toute la longue marche de la vie des nations chrétiennes pendant dix-huit siècles aboutit nécessairement à l’obligation de résoudre la question qu’elles avaient éludée de l’acceptation ou de la non-acceptation de la doctrine du Christ, et celle qui en résulte de la résistance ou de la non-résistance au mal par la violence ; mais avec cette différence qu’autrefois les hommes pouvaient l’accepter ou ne pas l’accepter, tandis qu’aujourd’hui cette solution est inévitable parce que, seule, elle peut les affranchir de l’esclavage dans lequel ils se sont pris eux-mêmes comme dans un filet.

Mais ce n’est pas seulement cette situation cruelle qui oblige les hommes à reconnaître la doctrine du Christ. La vérité de cette doctrine est devenue évidente à mesure qu’est devenue évidente la fausseté de l’organisation païenne.

Ce n’est pas pour rien que pendant dix-huit siècles les hommes les meilleurs de l’humanité chrétienne, comprenant la vérité de la doctrine, l’ont prêchée malgré toutes les menaces, toutes les privations, toutes les