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plus cruelles toutes tentatives de changement. Ce moyen a été employé jadis, et on l’emploie aujourd’hui partout où il y a un gouvernement : en Russie contre ceux qu’on appelle des nihilistes, en Amérique contre les anarchistes, en France contre les impérialistes, les monarchistes, les communards et les anarchistes. Les chemins de fer, les télégraphes, les téléphones, la photographie et les procédés perfectionnés pour faire disparaître les hommes sans meurtre, en les enfermant à perpétuité dans des cellules isolées où, cachés de tous, ils meurent oubliés, et nombre d’autres inventions modernes dont se servent les gouvernements, leur donnent une telle force qu’une fois le pouvoir tombé entre certaines mains, avec la police ouverte ou secrète, l’administration et toute une armée de procureurs, de geôliers et de bourreaux pleins de zèle, il n’y a plus aucune possibilité de renverser le gouvernement, si fou, si cruel qu’il soit.

Le second moyen est la corruption. Il consiste à prendre au peuple ses richesses au moyen de l’impôt, et à les distribuer aux fonctionnaires, qui s’engagent en échange à maintenir et à augmenter l’oppression. Les fonctionnaires achetés, depuis les ministres jusqu’aux copistes, forment un filet infranchissable d’hommes liés par le même intérêt : vivre au détriment du peuple. Ils s’enrichissent d’autant plus qu’ils mettent plus de soumission dans l’exécution des ordres du gouvernement, toujours et partout, ne reculant devant aucun moyen, dans toutes les branches de l’activité, défendant par la parole et par l’action la violence gouvernementale sur laquelle est basé leur bien-être.

Le troisième moyen est ce que je ne puis appeler autrement que l’hypnotisation du peuple. Ce moyen consiste à arrêter le développement moral des hommes et, par diverses suggestions, les maintenir dans la conception