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Mais les hommes n’étaient pas préparés à accepter la solution du Christ et continuaient à employer l’ancien moyen de la définition du mal auquel il faut résister par des lois obligatoires pour tous et imposées par la force. Tantôt c’était le pape, tantôt l’empereur, tantôt le roi, tantôt un corps élu, tantôt tout le peuple qui décidait de ce qu’on doit considérer comme un mal et repousser par la violence. Mais à l’intérieur comme à l’extérieur de l’état, il se trouvait toujours des hommes qui ne reconnaissaient comme obligatoires ni les décrets qu’on faisait passer comme l’expression de la volonté divine, ni les lois humaines auxquelles on donnait un caractère sacré, ni les institutions qui devaient représenter la volonté du peuple ; des hommes qui considéraient comme un bien ce que les autorités existantes considéraient comme un mal, et qui luttaient contre le pouvoir.

Les hommes investis d’une autorité religieuse considéraient comme un mal ce que des hommes et des institutions, investis du pouvoir civil, considéraient comme un bien, et vice versa ; et la lutte devenait de plus en plus acharnée. Et plus les hommes employaient la violence, plus il devenait évident que ce moyen est inefficace, parce qu’il n’y a pas et qu’il ne peut y avoir une définition autorisée du mal et qui puisse être reconnue par tous.

Cela a continué ainsi pendant dix-huit siècles, et on est arrivé aujourd’hui à l’évidence complète qu’il ne peut y avoir de définition extérieure, obligatoire pour tous. On est arrivé à ne plus croire, non seulement à la possibilité de trouver cette définition, mais même à son utilité, et les hommes qui sont au pouvoir ne cherchent plus à démontrer que ce qu’ils considèrent comme un mal l’est réellement. Ce qu’ils considèrent comme mal, c’est ce qui ne leur plaît