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la première tentative d’insoumission ou de changement à cet ordre de choses.

Mais il n’y a pas qu’un seul gouvernement. Il en existe d’autres à côté de lui, qui dominent également par la violence et qui sont toujours prêts à enlever au voisin le produit de ses sujets déjà réduits à l’esclavage. C’est pourquoi chacun d’eux a besoin d’une armée non seulement pour se maintenir à l’intérieur, mais encore pour défendre son butin contre des voisins rapaces. Les états sont donc réduits à rivaliser dans l’augmentation des armées, et cette augmentation est contagieuse, comme l’a fait remarquer Montesquieu il y a cent cinquante ans.

Toute augmentation d’effectifs dirigée par un état contre ses sujets devient inquiétante pour l’état voisin, et l’oblige à renforcer lui aussi son armée.

Si les armées se dénombrent aujourd’hui par millions d’hommes, ce n’est pas seulement parce que chaque état a été menacé par ses voisins, mais surtout parce qu’il lui a fallu réprimer des tentatives de révoltes intérieures. L’un est le résultat de l’autre : le despotisme des gouvernements augmente avec leur force et leur succès extérieurs, et leurs dispositions agressives augmentent avec leur despotisme intérieur.

Cette rivalité dans les armements a amené les gouvernements européens à la nécessité d’établir le service universel, qui seul procurait le plus grand nombre de soldats avec le moins de dépense possible. L’Allemagne en a eu l’idée la première, et les autres nations ont suivi. Et alors tous les citoyens ont été appelés sous les armes pour maintenir les injustices qui se commettent entre eux, de sorte que les citoyens sont devenus leurs propres tyrans.

Le service universel est une nécessité logique à