n’est que dans ces conditions que l’organisation sociale pouvait se comprendre.
Mais comme cela n’existe pas, comme au contraire les hommes qui ont le pouvoir sont toujours bien loin d’être saints, précisément parce qu’ils ont le pouvoir, l’organisation sociale basée sur l’autorité ne peut plus être justifiée.
Si même il y eut un temps où, par suite de l’abaissement du niveau moral et de la disposition des hommes à la violence, l’existence du pouvoir a offert quelque avantage, la violence de l’autorité étant moindre que celle des particuliers, il est évident que cet avantage ne pouvait être éternel. Plus la tendance des personnalités à la violence diminuait, plus les mœurs s’adoucissaient, plus le pouvoir se démoralisait par suite de sa liberté d’action, plus cet avantage disparaissait.
Ce changement du rapport entre le développement moral des masses et la démoralisation des gouvernements est toute l’histoire des derniers deux mille ans.
Voici simplement comment les choses se sont passées :
Les hommes vivaient en familles, en tribus, en races, se provoquant, se violentant, se dépouillant, s’entre-tuant. Ces violences se commettaient en grand et en petit : individu contre individu, famille contre famille, tribu contre tribu, race contre race, peuple contre peuple. Le groupement le plus nombreux, le plus fort, s’emparait du plus faible, et, plus il devenait fort, plus les violences intérieures diminuaient, et plus la durée et la vie du groupement semblaient assurées.
Les membres de la famille ou de la tribu réunis en un seul groupe sont moins hostiles les uns aux autres, et la famille ou la tribu ne meurent pas comme l’individu isolé. Parmi les membres d’un état soumis