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Joseph de Maistre que c’est une loi divine : deux façons différentes de nommer la même chose. Si par impossible une fraction de la société humaine — mettons tout l’Occident civilisé — parvenait à suspendre l’effet de cette loi, des races plus instinctives se chargeraient de l’appliquer contre nous : ces races donneraient raison à la nature contre la raison humaine ; elles réussiraient, parce que la certitude de la paix — je ne dis pas la paix, je dis la certitude de la paix — engendrerait avant un demi-siècle une corruption et une décadence plus destructives de l’homme que la pire des guerres. J’estime qu’il faut faire pour la guerre, loi criminelle de l’humanité, ce que nous devons faire pour toutes nos lois criminelles, les adoucir, en rendre l’application aussi rare que possible, tendre de tous nos efforts à ce qu’elles soient inutiles. Mais toute l’expérience de l’histoire nous enseigne qu’on ne pourra les supprimer tant qu’il restera sur la terre deux hommes, et du pain, de l’argent et une femme entre eux.

« Je serais bien heureux si le congrès me donnait un démenti. Je doute qu’il le donne à l’histoire, à la nature, à Dieu.

« Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.

« M. de Vogüé. »


Le sens de cette lettre est que l’histoire, la nature de l’homme et Dieu nous montrent que la guerre subsistera tant qu’il y aura deux hommes et entre eux le pain, l’argent et la femme. Cela veut dire qu’aucun progrès n’amènera les hommes à abandonner la sauvage conception de la vie qui n’admet pas sans lutte le