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cherie. Ils écoutent même avec plaisir ces dissertations pacifiques, les encouragent et y prennent part.

Loin d’être nuisibles, elles sont au contraire utiles aux gouvernements, parce qu’elles donnent le change aux peuples et les détournent de la question principale, essentielle : Doit-on ou non se soumettre à l’obligation du service militaire ?

« La paix va être bientôt organisée grâce aux alliances, aux congrès, aux livres et aux brochures. En attendant, endossez donc votre uniforme et tenez-vous prêts à commettre et à souffrir des violences pour nous, » disent les gouvernements, et les savants organisateurs de congrès, et les auteurs de mémoires pour la paix approuvent pleinement.

Ainsi agissent et pensent les savants de cette première catégorie. C’est l’attitude la plus profitable aux gouvernements, et par suite celle qu’encouragent les gouvernements habiles.


La manière de voir d’une deuxième catégorie est plus tragique. C’est celle des hommes qui trouvent que l’amour de la paix et la nécessité de la guerre forment une contradiction terrible, mais que telle est la destinée de l’homme. Ce sont pour la plupart des hommes de talent, de nature impressionnable, qui voient et comprennent toute l’horreur, toute l’imbécillité et toute la barbarie de la guerre ; mais, par une étrange aberration ils ne voient et ne cherchent aucune issue à cette situation désespérante de l’humanité que comme pour irriter la plaie à plaisir.

En voici un exemple frappant tiré du célèbre écrivain français Guy de Maupassant. En regardant de son yacht les manœuvres et les exercices de tir des soldats français, les réflexions suivantes lui viennent :