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cause à leurs victimes la corde qui les attache, et s’empresseraient de la couper.

Cependant il y a des gens qui croient à cela, qui s’occupent de congrès de la paix, prononcent des discours, écrivent des livres : les gouvernements, cela va sans dire, leur témoignent de la sympathie et feignent de les encourager, de même qu’ils feignent de protéger les sociétés de tempérance, tandis qu’ils ne vivent, pour la plupart, que de l’ivrognerie des peuples ; de même qu’ils feignent de protéger l’instruction alors que leur force a précisément l’ignorance pour base ; de même qu’ils feignent de garantir la liberté et la constitution, alors que leur pouvoir se maintient grâce à l’absence de liberté ; de même qu’ils feignent de se soucier de l’amélioration du sort des travailleurs, alors que c’est sur l’oppression de l’ouvrier que repose leur existence ; de même qu’ils feignent de soutenir le christianisme, alors que le christianisme détruit tout gouvernement.

On se soucie de la tempérance, mais de telle façon que ce souci ne puisse pas diminuer l’ivrognerie ; de l’instruction, mais de telle façon que, loin de détruire l’ignorance, on ne fait que l’accroître ; de la liberté et de la constitution, mais de telle façon que l’on n’empêche pas le despotisme ; du sort des ouvriers, mais de telle façon qu’on ne les affranchisse pas de l’esclavage ; du christianisme, mais du christianisme officiel qui soutient les gouvernements, au lieu de les détruire.

Maintenant c’est un nouveau souci : la paix.

Les souverains, qui prennent conseil aujourd’hui de leurs ministres, décident de par leur seule volonté si c’est cette année ou l’année prochaine que commencera la grande tuerie. Ils savent très bien que tous les discours ne les empêcheront pas, quand l’idée leur en viendra, d’envoyer des millions d’hommes à la bou-