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nos compatriotes ne nous sont pas plus chers que ceux de toute l’humanité. C’est pourquoi nous n’admettons pas que le sentiment du patriotisme puisse justifier la vengeance d’une offense ou d’un mal fait à notre peuple…

Nous reconnaissons que le peuple n’a le droit ni de se défendre des ennemis du dehors, ni de les attaquer. Nous reconnaissons encore que les individus isolés ne peuvent avoir ce droit dans leurs relations réciproques, l’unité ne pouvant avoir de droits plus grands que ceux de la collectivité. Si le gouvernement ne doit pas résister aux conquérants étrangers qui ont pour but de ravager notre patrie et de détruire nos concitoyens, de même on ne peut opposer la violence aux individus qui menacent la tranquillité et la sécurité publiques. La doctrine professée par les églises que tous les états de la terre sont établis et approuvés par Dieu, et que les autorités qui existent dans les États-Unis, en Russie, en Turquie, etc., émanent de sa volonté, est aussi stupide que blasphématoire. Cette doctrine représente notre Créateur comme un être partial, établissant et encourageant le mal. Personne ne peut affirmer que les autorités existant dans n’importe quel pays agissent vis-à-vis de leurs ennemis selon la doctrine et l’exemple du Christ. Aussi leurs actes ne peuvent-ils être agréables à Dieu. Par conséquent, ils ne peuvent pas être établis par Lui et doivent être renversés, non par la force, mais par la régénération morale des hommes.

Nous ne reconnaissons pas comme chrétiennes et légales non seulement les guerres — offensives ou défensives, — mais encore toute organisation militaire : arsenaux, forteresses, navires de guerre, armées permanentes, monuments commémoratifs de victoires, trophées, solennités guerrières, conquêtes à l’aide de la