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raconte des inutilités gracieuses ou de franches polissonneries, on débite des stupidités, on soutient les paradoxes les plus raffinés qui ramènent les hommes à la sauvagerie primitive, aux principes de la vie non seulement païenne, mais même animale, que nous avons traversée, il y a 5000 ans.

D’ailleurs cela ne peut pas être autrement. En se détournant de la conception chrétienne de la vie, qui détruit l’ordre de choses seulement habituel pour les uns, habituel et avantageux pour les autres, les hommes ne peuvent pas ne pas revenir à la conception païenne et aux doctrines qui en découlent. On prêche de notre temps non seulement le patriotisme et l’aristocratisme comme il y a deux mille ans, mais encore l’épicurisme le plus grossier, la bestialité, avec cette seule différence que les hommes qui l’ont prêchée jadis y croyaient, tandis qu’aujourd’hui les prédicateurs ne croient pas en ce qu’ils disent et n’y peuvent croire parce que cela n’a plus de sens. On ne peut pas rester en place quand le sol est en mouvement : si on n’avance pas, on recule, et, chose étrange et terrible, les hommes instruits de notre époque, ceux qui marchent à l’avant-garde, par leurs raisonnements spéciaux, entraînent la société en arrière, pas même vers l’état païen, mais vers l’état de barbarie primitive.

On ne peut mieux voir ces tendances des hommes éclairés de notre époque qu’à leur attitude en présence du phénomène par lequel s’est manifestée toute l’insuffisance de la conception sociale de la vie : la guerre, l’armement général et le service universel.

Le manque de netteté — si ce n’est pas de bonne foi — dans l’attitude des hommes éclairés en face de ce phénomène est frappant. Cette attitude se manifeste de trois façons : les uns considèrent ce phénomène comme