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gloire, — et où, d’autre part, les difficultés de sa vie personnelle devinrent telles qu’il ne put continuer à croire en la valeur de son ancienne conception de la vie et qu’il dut accepter la doctrine sociale et s’y soumettre.

La même chose se répète aujourd’hui avec l’homme social.

« Il est insensé, dit-il, de sacrifier son bonheur, celui de sa famille, de sa patrie, pour satisfaire aux exigences de quelques lois, supérieures, mais incompatibles avec le sentiment le meilleur, le plus naturel, l’amour de soi, de sa famille, de sa race, de sa patrie, — et surtout il est dangereux d’abandonner la garantie de la vie qu’assure l’organisation sociale. »

Mais le temps vient où la vague conscience de la loi supérieure de l’amour de Dieu et du prochain, et les souffrances résultant des contradictions de la vie, forcent l’homme à rejeter la conception sociale, et à accepter celle qui lui est proposée, qui résout toutes les contradictions et remédie à toutes les souffrances, la conception chrétienne de la vie. Et ce temps est arrivé.

Nous qui avons subi, il y a déjà des milliers d’années, la transition de la conception animale de la vie à la conception sociale, nous croyons que cette transition était alors nécessaire, naturelle, tandis que celle-ci, dans laquelle nous nous trouvons depuis 1800 ans, nous paraît arbitraire, artificielle et effrayante. Mais cela nous semble ainsi seulement parce que la première transition est déjà accomplie, et que les mœurs qu’elle a fait naître nous sont devenues habituelles, tandis que la transition actuelle n’est pas encore terminée et que nous devons la poursuivre consciemment.

Des siècles, des milliers d’années ont passé avant que la conception sociale ait pénétré dans la conscience des