de la vie une conception correspondante, que les hommes s’assimilent infailliblement. Ceux qui ne l’assimilent pas par la raison se l’assimilent inconsciemment. Ce qui a lieu pour le changement de vues sur la vie des individus a lieu également pour le changement de vues sur la vie des peuples et de toute l’humanité. Si le père de famille continuait à se guider sur la conception de la vie qu’il avait étant enfant, sa vie deviendrait si difficile qu’il rechercherait de lui-même une autre conception, et qu’il accepterait volontiers celle qui correspond à son âge.
C’est ce qui se passe aujourd’hui dans l’humanité, à l’époque que nous traversons, époque de transition entre la conception païenne de la vie et la conception chrétienne. L’homme social de notre temps est amené par la vie même à la nécessité de rejeter la conception païenne de la vie, impropre à l’âge actuel de l’humanité, et à se soumettre aux exigences de la doctrine chrétienne dont les vérités, si corrompues et si mal interprétées qu’elles soient, lui sont cependant connues et seules lui offrent la solution des contradictions qui l’enserrent.
Si l’homme de la conception sociale regarde les exigences du christianisme comme étranges et même dangereuses, aussi étranges, incompréhensibles et dangereuses paraissaient au sauvage des temps anciens les exigences de la doctrine sociale, lorsqu’il ne les comprenait pas encore et n’en pouvait prévoir les conséquences.
« Il est insensé, disait-il, de sacrifier sa tranquillité ou sa vie pour la défense de quelque chose d’incompréhensible, d’intangible et de conventionnel : la famille, la race, la patrie, — et surtout il est dangereux de se mettre à la merci d’un pouvoir étranger. »
Mais le temps vint où le sauvage comprit, quoique vaguement, la valeur de la vie sociale et de son moteur principal, l’approbation ou la réprobation sociale : la