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s’affaiblit de plus en plus et arrive, dans l’amour pour l’état, à son extrême limite.

La nécessité d’élargir le domaine de l’amour est indiscutable, mais en même temps cette nécessité détruit en fait la possibilité de l’amour, et prouve l’insuffisance de l’amour personnel humain.

Et c’est alors que les apôtres de la fraternité positiviste, communiste, socialiste, proposent, pour parer à cette banqueroute de l’amour humain, l’amour chrétien, mais seulement dans ces conséquences et non dans ces causes. Ils proposent l’amour pour la seule humanité sans l’amour pour Dieu.

Mais cet amour ne peut exister ; il n’a aucune raison d’être. L’amour chrétien résulte uniquement de la conception chrétienne de la vie, conception d’après laquelle le but essentiel de la vie est d’aimer et servir Dieu.

Par une marche naturelle, la conception sociale de la vie a conduit les hommes, de l’amour de soi, de la famille, de la race, de la nation, de la patrie, à la conscience de la nécessité de l’amour pour l’humanité, qui n’a pas de limites et se confond avec tout ce qui vit. Cette nécessité d’aimer quelque chose qui ne provoque chez l’homme aucun sentiment, a fait surgir une contradiction que la conception sociale de la vie ne peut résoudre.

Seule la doctrine évangélique dans toute sa signification la résout en donnant à la vie un nouveau sens. Le christianisme reconnaît aussi bien l’amour pour soi que l’amour pour la famille, pour la nation et pour l’humanité, et non seulement pour l’humanité, mais pour tout ce qui vit. Mais l’objet de cet amour, l’homme ne le trouve pas en dehors de lui, dans le groupement des personnalités : famille, race, patrie, humanité, ni dans le