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la perfection divine. Aucun état, suivant cette doctrine, ne peut être ni plus haut ni plus bas qu’un autre. Tout état n’est qu’une étape vers la perfection irréalisable et, par suite, ne constitue pas par lui-même un degré plus ou moins élevé de la vie. L’augmentation de la vie n’est qu’une accélération du mouvement vers la perfection. C’est pourquoi l’élan vers la perfection du publicain Zachée, de la pécheresse, du larron sur la croix constitue un degré plus élevé de la vie que l’impeccabilité immobile du pharisien. C’est pourquoi il ne peut y avoir de règles obligatoires pour cette doctrine. L’homme placé à un degré inférieur, marchant vers la perfection, a une conduite plus morale, meilleure, observe mieux la doctrine que l’homme placé à un degré bien plus élevé, mais qui ne marche pas vers la perfection.

C’est dans ce sens que la brebis égarée est plus chère au Père que les autres ; que l’enfant prodigue, la pièce de monnaie perdue et retrouvée sont plus chers que ceux qu’on n’a jamais crus perdus.

L’accomplissement de la doctrine est dans le mouvement du moi vers Dieu. Il est évident qu’il ne peut avoir ni lois ni règles déterminées. Tous degrés de perfection ou d’imperfection sont égaux devant cette doctrine, dont l’accomplissement n’est constitué par l’observance d’aucune loi ; c’est pourquoi il ne peut y avoir de règles ou de lois obligatoires.

De cette différence radicale entre la doctrine du Christ et toutes celles qui l’ont précédée, basées sur la conception sociale de la vie, résulte aussi la différence entre les lois sociales et les préceptes chrétiens. Les lois sociales sont, pour la plupart, positives, recommandant certains actes, justifiant et absolvant les hommes. Tandis que les préceptes chrétiens (le commandement de