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chrétienne au point de vue social consiste en ce que, supposant que la perfection indiquée par le Christ peut être atteinte complètement, ils se demandent (comme ils se demandent en supposant que les lois sociales seront observées) : « Qu’adviendra-t-il quand cela sera réalisé ? » Cette supposition est fausse, car la perfection indiquée aux chrétiens est infinie et ne peut jamais être atteinte. Le Christ donne sa doctrine, sachant que la perfection absolue ne sera jamais atteinte, mais que la tendance vers cette perfection absolue et infinie augmentera sans cesse le bonheur des hommes, et que, par suite, ce bonheur peut être indéfiniment augmenté.

Le Christ enseigne non pas aux anges, mais aux hommes vivant et se mouvant d’une vie animale. À cette force animale du mouvement, le Christ applique pour ainsi dire une nouvelle force — la conscience de la perfection divine — et dirige ainsi la marche de la vie sur la résultante de ces deux forces.

Croire que la vie de l’homme s’engagera dans la direction indiquée par le Christ, c’est comme si on croyait qu’un batelier qui, pour traverser un fleuve rapide, dirige sa marche presque directement contre le courant, naviguera dans cette direction.

Le Christ reconnaît l’existence des deux côtés du parallélogramme, des deux forces éternelles, impérissables, dont se compose la vie de l’homme ; la force de la nature animale et la force de la conscience, c’est-à-dire qu’il est enfant de Dieu. Ne parlant pas de la force animale qui, s’affirmant d’elle-même, reste toujours égale à elle-même et est en dehors de la volonté de l’homme, le Christ ne parle que de la force divine, appelant l’homme à la plus grande conscience de cette force, à son plus complet affranchissement et à son plus grand développement.

Dans l’affranchissement et l’augmentation de cette