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dans l’adoration des dieux qui protègent exclusivement sa famille, sa tribu, son peuple, son état[1].

L’homme de la conception divine de la vie reconnaît déjà la vie non pas dans sa personnalité ou dans une association de personnalités (famille, tribu, peuple, patrie ou état), mais dans la source de la vie éternelle, en Dieu, et, pour accomplir la volonté de Dieu, il sacrifie son bonheur personnel, familial et social. Le mobile de sa vie est l’amour, et sa religion est l’adoration du principe de tout : Dieu.

Toute la vie historique de l’humanité n’est autre chose qu’un passage graduel de la conception de la vie personnelle animale à la conception sociale, et de celle-ci à la conception divine. Toute l’histoire des peuples anciens, qui a duré des milliers d’années et se termine par l’histoire de Rome, est l’histoire du remplacement de la conception animale personnelle par la conception sociale et nationale. L’histoire du monde, depuis l’époque de la Rome impériale et de l’apparition du christianisme, est l’histoire, que nous traversons encore aujourd’hui, du remplacement de la conception nationale par la conception divine.

C’est cette dernière conception (et la doctrine chrétienne qui en découle) qui dirige toute notre vie et qui est à la base de toute notre action, aussi bien pratique que scientifique. Les hommes de la prétendue science, l’étudiant seulement d’après ses manifestations exté-

  1. Parce que nous fondons sur cette conception de la vie païenne ou sociale des formes de vie diverses : la vie de famille, de tribu, de race, d’état, et même la vie de toute l’humanité, théoriquement représentée par les positivistes, il ne s’ensuit pas que l’unité de cette conception de vie soit détruite. Toutes ces formes diverses de la vie sont basées sur une unique notion, à savoir que la personnalité n’est pas un but suffisant pour la vie ; que le sens de la vie peut être trouvé seulement dans l’association des individus.