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dos, le mouvement cadencé de ses bras et de ses jambes dénotaient une santé de fer et une rare force musculaire.

Au contraire, la mère de Youkhvanka, qui portait l’autre bout de la palanche, semblait être arrivée à la dernière limite de la vieillesse ; l’état de délabrement dans lequel elle était en faisait une véritable ruine humaine. Une chemise noire, déchirée, et une robe sans couleur flottaient sur sa charpente osseuse, si courbée que le bout de la palanche portait sur son dos plutôt que sur son épaule. Ses deux mains, qui retenaient la pièce de bois, étaient d’un brun sale, et si osseuses qu’elles semblaient ne plus devoir se décroiser. Sa tête baissée, qu’entouraient quelques chiffons, portaient les traces de la plus profonde misère. Au-dessous d’un front étroit, labouré en tous sens de rides profondes, deux yeux rouges, ternes et sans