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quelques cuisiniers et laquais, vrais aristocrates, affectaient de ne pas se mêler à la foule. Les cuisiniers appréciaient vivement le charme de cette musique, et, à chaque note de fausset, hochaient la tête en signe d’étonnement et d’admiration, puis ils poussaient les laquais du coude comme pour leur dire : « Comme il chante bien, hein ! » Les laquais répondaient par un sourire dédaigneux, un mouvement des épaules, une mimique enfin dont la signification pouvait se traduire ainsi : « Il ne sera pas facile de nous étonner ! Nous en avons entendu bien d’autres ! »

Entre deux chansons, tandis que le chanteur toussotait, je demandai aux laquais qui il était et s’il venait souvent chanter en cet endroit.

— Oui, deux fois par été, me répondit l’un d’eux. Il est du canton d’Argovie. C’est un mendiant !…