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couplet, chanson par chanson, dans l’obscurité croissante. Bien que je me fusse placé tout à fait près de lui, son chant ne cessait pas de me causer le plus vif plaisir. Sa voix flûtée était extrêmement agréable ; la douceur, le goût et le sentiment de la mesure qui l’animaient étaient extraordinaires et décelaient un véritable don naturel. Le refrain de chaque couplet était agrémenté de modulations différentes, et l’on sentait que ces variations improvisées ne coûtaient à leur auteur aucun effort.

Rompant par instant le silence, un murmure approbatif courait dans la foule ou tombait des fenêtres et du balcon de l’hôtel. Aux fenêtres largement éclairées, les messieurs et les dames s’entassaient dans des poses étudiées de portraits. Dès que le chant reprenait, les groupes du boulevard s’arrêtaient net. Près de moi, fumant leur cigare,