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jours après ces sortes de dîners ; sans vouloir achever mon dessert, je me levai et sortis pour flâner, espérant fuir la mélancolie. J’errai par de petites rues étroites, sales, obscures. Des boutiquiers fermaient leurs volets, des ouvriers ivres, des porteurs d’eau, des dames en chapeau, rasant de près les murs, me croisèrent sans m’intéresser. Loin de se dissiper, ma tristesse s’accrut. La nuit était complètement venue, quand j’arrivai près de l’hôtel, sans regarder autour de moi, sans penser à rien, sinon que le sommeil aurait sans doute raison de l’état d’esprit où je me trouvais. J’éprouvais cette sensation de froid moral qu’on ressent quand on se trouve seul dans un pays inconnu.

Je longeai le quai, les yeux à terre, désireux de regagner au plus tôt le Schweitzerhof. Tout à coup des sons étranges, mais