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j’assiste à ces sortes de repas ; il me semble chaque fois que j’ai commis quelque faute et que j’en suis puni, comme lorsque, dans mon enfance, on m’isolait sur une chaise en me disant ironiquement : « Repose-toi, mon cher », tandis que mon jeune sang bouillonnait dans mes veines, et que j’entendais les cris joyeux de mes frères jouant dans la chambre voisine.

J’avais d’abord essayé de secouer l’oppression que je ressentais à ces repas, mais mes efforts avaient été vains. Ces visages mornes exerçaient sur moi une influence irrésistible et je finissais par devenir aussi terne. Je ne disais rien, je ne pensais pas, j’avais perdu jusqu’à la faculté d’observer. J’essayai de converser avec mes voisins ; mais, sauf des phrases répétées cent mille fois par la même personne et, pour la cent millième fois, à la même place, je ne recevais pas de