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intérieure ne se trahit dans ces mouvements. Les membres d’une même famille se bornent à échanger de temps en temps, à voix basse, quelques réflexions au sujet de tel plat ou de tel vin, ou bien encore sur la vue du Righi. Les voyageurs seuls se tiennent silencieux et ne se regardent même pas entre eux. Si parfois, sur ces cent personnes, deux se prennent à causer, ce n’est que du temps qu’il fait ou de l’ascension du Righi.

Les couteaux et les fourchettes se meuvent sans bruit sur les assiettes ; on prend peu de nourriture à la fois et les petits pois se piquent à la fourchette. Involontairement les kelleners se mettent à l’unisson de ce quasi-silence, et c’est d’une voix étouffée qu’ils demandent aux hôtes quel vin ils désirent boire. J’éprouve toujours un pénible et désagréable sentiment de tristesse quand