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sentiment nuisible puisqu’il rompt les relations avantageuses, joyeuses et paisibles entretenues avec les autres peuples, et principalement puisqu’il produit cette organisation du gouvernement où le pire des individus peut obtenir et obtient toujours le pouvoir ; c’est un sentiment honteux puisqu’il transforme l’homme non seulement en esclave, mais en coq de combat, en taureau de cirque, en gladiateur, qui perd ses forces et sa vie non pour atteindre un but personnel, mais pour celui poursuivi par son gouvernement ; c’est un sentiment immoral, puisqu’au lieu de se reconnaître fils de Dieu, comme nous l’enseigne le christianisme, ou du moins homme libre dirigé par sa raison, — chaque homme, sous l’influence du patriotisme, se reconnaît fils de sa patrie, esclave de son gouvernement et accomplit des actes contraires à sa raison et à sa conscience.

Il suffit que le monde comprenne cela, pour que ce terrible enchaînement d’hommes qu’on nomme gouvernement, aille de soi-même et sans lutte tomber en pièces et avec lui ce mal terrible et inutile qu’il cause aux peuples.

Et les hommes commencent déjà à le comprendre. Voici ce qu’écrit, par exemple, un citoyen des États-Unis :

« La seule chose que nous demandons (laboureurs, mécaniciens, marchands, manufacturiers, maîtres d’école), c’est le droit de nous occuper de nos propres affaires. Nous avons nos maisons, nous aimons nos amis, nous