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ment, en Europe, dans leurs maisons qui ne sont menacées par personne, tous les hommes en Europe et en Amérique se trouvent pendant chaque guerre — grâce aux communications faciles et rapides et à la presse, — dans la même position que les spectateurs dans le cirque romain, et comme eux ils se réjouissent du meurtre et crient, avides de sang : pollice verso !

Non seulement les adultes, mais les enfants, — les enfants qui sont purs et sages, — se réjouissent, selon la nationalité à laquelle ils appartiennent, quand ils apprennent que non seulement sept cents, mais mille Anglais ou Boers sont tués, déchirés par des engins meurtriers. Et les parents — j’en connais — encouragent leurs enfants dans cette férocité.

Mais ce n’est pas tout encore. Chaque augmentation des troupes d’un État (et chaque État se trouvant en danger, tâche de les augmenter au nom du patriotisme) force l’État voisin à augmenter les siennes, aussi à cause du patriotisme, ce qui, chez le premier, provoque une nouvelle augmentation.

La même chose avec les forteresses et la flotte ; un État a construit dix cuirassés, les États voisins en ont construits onze : alors le premier en construit douze, et ainsi de suite, dans une progression indéfinie.

— « Et moi, je te pincerai ! » — « Et moi, je te donnerai un coup de poing ! » — « Et moi, je vais te fouetter ! » — « Et moi, je te donnerai des coups de bâton ! » — « Et moi, un coup de fusil !… » Ainsi seulement se querellent et se battent des enfants méchants, des hom-