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loi fut proposée aux représentants du peuple, d’après laquelle tous les hommes sans exception devaient être soldats ; tous les fils, les maris, les pères devaient apprendre le meurtre et devenir les humbles esclaves de quiconque a un rang supérieur, et être sans contredit prêts à tuer ceux qu’on leur ordonnerait de tuer ; de massacrer les populations opprimées et leurs propres ouvriers qui défendent leurs droits, de tuer leurs pères et leurs frères comme l’a proclamé en public le plus arrogant de tous les souverains, Wilhelm Il.

Cette terrible mesure, qui insulte de la manière la plus grossière les meilleurs sentiments des hommes, fut — sous l’influence du patriotisme — prise et acceptée sans murmure par le peuple allemand.

La conséquence en fut la victoire sur les Français. Cette victoire a enflammé davantage le patriotisme de l’Allemagne ; puis celui de la France, de la Russie et des autres puissances, et tous les hommes des puissances continentales se sont soumis sans murmure à l’introduction du service militaire obligatoire, c’est-à-dire à une servitude qui, comme degré d’humiliation et d’abdication de la volonté humaine, ne peut être comparée à aucune des servitudes antiques. Et de plus, la soumission servile des masses, au nom du patriotisme, et l’arrogance, la cruauté et la folie des gouvernements ne connaissaient plus de bornes. On s’empare à qui mieux mieux, soit par vanité, soit par caprice, soit par cupidité, des territoires étrangers, en Asie, en Afrique, en Amérique, et la méfiance et la malveillance des gou-