Page:Tolstoï - Le Patriotisme et le gouvernement.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

groupe d’hommes de même espèce, n’importe le degré où ils se trouvent, ayant derrière eux les souvenirs vieillis du passé et devant eux l’idéal de l’avenir, — se trouvent toujours dans un procès de lutte entre les idées vieillissantes du présent et les idées naissantes de l’avenir. Il arrive ordinairement que lorsqu’une idée qui était utile, même nécessaire dans le passé, devient superflue ; elle cède sa place après une lutte plus ou moins prolongée a une nouvelle idée — idéal d’autrefois — qui devient à son tour l’idée du présent.

Mais il arrive aussi qu’une idée vieillie, déjà remplacée dans la conscience des hommes par une idée supérieure est telle, que sa conservation est avantageuse pour certains hommes qui possèdent le plus d’influence dans la société. Et alors il advient, que cette idée vieillie, quoiqu’elle soit en contradiction flagrante avec tout l’ordre de choses qui a changé sous d’autres rapports, continue à influencer les hommes et à diriger leurs actes. Une pareille rétention d’une idée vieillie a eu toujours lieu et a lieu encore dans le domaine de la religion. La cause en est que les prêtres, dont la position avantageuse est liée à l’idée religieuse vieillie, profitent de leur pouvoir et retiennent, intentionnellement, les hommes dans cette idée survécue.

La même chose se passe et pour les mêmes raisons dans le domaine de l’État, par rapport à l’idée de patriotisme sur laquelle est basée chaque gouvernement. Les hommes auxquels il est avantageux d’entretenir cette idée, qui n’a plus aucun sens et aucune utilité, le