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grimper sur la bâtisse. Vassili retourna au sous-sol. Il reparut bientôt, une planche à la main, et écouta les pas de la sentinelle. La sentinelle, comme Vassili le pensait, marchait de l’autre côté de la cour. Vassili s’approcha de la bâtisse, s’appuya sur la planche et tenta l’escalade. Mais la planche glissa. Vassili tomba. Il était en chaussettes ; il les enleva pour s’accrocher avec les pieds. De nouveau il s’appuya sur la planche, bondit, et, avec les mains, saisit le chéneau. « Mon Dieu ! Pourvu que ça ne tombe pas ! » Il grimpe le long du chéneau et voilà son genou sur le toit. La sentinelle s’approche. Vassili se couche. La sentinelle ne le voit pas, s’éloigne et Vassili s’élance. La ferraille craque sous ses pieds. Encore un pas, deux, voici le mur. On peut le toucher de la main. Une main, l’autre – se tendent et il est sur le mur. Pourvu qu’il ne se tue pas en descendant. Vassili se suspend par les mains, s’allonge, lâche une main, l’autre… « Ah ! Seigneur Dieu ! » Il est à terre. Et la terre est douce. Ses jambes sont indemnes et il s’enfuit. Dans le faubourg, Mélanie lui ouvre la porte et il se couche sous la couverture chaude faite de petits morceaux.


X


La femme de Piotr Nikolaievitch, grande, belle, calme, grasse comme une vache stérile, avait vu de la fenêtre comment on avait tué son mari et traîné son corps quelque part dans le champ. Le sentiment d’horreur éprouvé par Nathalie Ivanovna (ainsi s’appelait la veuve de Piotr Nikolaievitch) à la vue de ce massacre, était si fort qu’il étouffait en elle, comme il arrive toujours,