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conversations avec les paysans furent rapportées devant le tribunal. On fit une perquisition chez Turine. On trouva chez lui quelques brochures révolutionnaires, et l’étudiant fut arrêté et conduit à Pétersbourg.

Tourtchaninova s’y rendit après lui et alla à la prison pour le voir. Mais on ne lui accorda pas d’entrevue avec lui en dehors du jour des visites, et elle ne put voir Turine qu’à travers les deux grilles. Ces visites augmentaient encore sa révolte, qui fut portée à son comble après une explication avec un bel officier de gendarmerie, lequel se montra prêt à être indulgent dans le cas où elle accepterait ses propositions. Cela l’amena au dernier degré de l’indignation et de la colère contre toutes les autorités. Elle alla trouver le chef de la police. Celui-ci lui dit la même chose que l’officier de gendarmerie, qu’il ne pouvait rien faire, qu’il fallait pour cela l’ordre du ministre. Elle adressa une requête au ministre, en demandant une entrevue. Elle reçut un refus. Alors elle se résolut à un acte désespéré et acheta un revolver.


XXII


Le ministre recevait à son heure habituelle. Il faisait le tour de tous les solliciteurs et arriva à une belle jeune femme qui se tenait debout, un papier dans la main gauche. Une petite flamme tendre, lubrique, s’alluma dans les yeux du ministre à la vue de la jolie quémandeuse, mais se rappelant sa situation, le ministre prit un air sérieux.