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guerre et deux d’entre eux étaient condamnés à la pendaison.


XVIII


Le tailleur était d’un village du gouvernement de Voronèje, dans le district de Zénilansk. Dans ce village cinq riches paysans louaient à un propriétaire, pour onze cents roubles, cent cinq déciatines d’une bonne terre grasse, noire comme du goudron, et la sous-louaient aux paysans, aux uns à raison de dix-huit roubles la déciatine, de quinze roubles à d’autres, mais pas moins de douze roubles. De la sorte ils avaient un bon profit. Les loueurs gardaient pour eux-mêmes cinq déciatines, et cette terre ne leur coûtait rien. Un des cinq compagnons étant venu à mourir, les autres proposèrent au tailleur boiteux de s’adjoindre à eux.

Quand il fut question entre les loueurs de la façon de répartir la terre, le tailleur, qui avait cessé de boire, déclara qu’il fallait taxer tous également et donner à chaque sous-locataire ce qui devait lui revenir.

— Comment cela ?

— Mais, ne sommes-nous pas des chrétiens ? C’est bon pour les messieurs ; mais nous autres nous sommes des chrétiens. Il faut agir selon la volonté de Dieu ; telle est la loi du Christ.

— Où existe une loi pareille ?

— Dans le livre de l’évangile. Venez chez moi dimanche, je lirai et nous causerons.

Le dimanche, pas tous, mais trois se rendirent chez le tailleur, et il leur fit la lecture.

Il lut cinq chapitres de Matthieu ; puis l’on