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vaient faire n’importe quoi, tout leur était permis, mais un paysan, un miséreux, pour un rien était envoyé nourrir les poux en prison.

Sa femme vint le voir plusieurs fois en prison. Sans lui, tout allait mal, et, pour comble, un incendie la ruina complètement, de sorte qu’elle dut aller mendier avec ses enfants. Les malheurs de sa famille accrurent encore l’irritation de Stepan. En prison il était méchant avec tous, et, une fois, il faillit tuer avec une hache le cuisinier. Pour ce fait on prolongea sa peine d’une année. Au cours de cette année il apprit que sa femme était morte et que sa maison avait été détruite…

Quand son temps de prison fut terminé, on appela Stepan au dépôt, on prit sur un rayon l’habit dans lequel il était venu, et on le lui remit.

— Où irai-je ? dit-il au surveillant en s’habillant.

— À la maison, naturellement.

— Je n’ai plus de maison. Probable qu’il me faudra aller sur la grand-route, voler les passants.

— Si tu voles, tu viendras de nouveau chez nous.

— Il arrivera ce qu’il arrivera.

Et Stepan partit. Cependant il prit le chemin de sa maison. Il n’avait plus où aller. Avant d’arriver à sa demeure, il demanda à passer la nuit dans une auberge qu’il connaissait. Cette auberge appartenait à un bourgeois de Vladimir, un gros homme ventru. Il connaissait Stepan. Il savait qu’il avait été envoyé en prison par malheur, et il le laissa passer la nuit chez lui.

L’aubergiste était riche. Il avait enlevé la femme d’un paysan du voisinage et vivait avec elle. Cette femme était à la fois maîtresse et servante.