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par places, se marquait du crottin de cheval. Un peu plus loin, Guérassim, assis, mangeait quelque chose. Les chevaux étaient attachés à un arbre.

Le garde courut au village, alla prévenir le staroste, le chef de police, et l’on prit deux témoins. De trois côtés ils s’approchèrent de l’endroit où se tenait Guérassim et l’arrêtèrent. Guérassim ne nia point, et, aussitôt, étant ivre, avoua tout. Il raconta qu’Ivan Mironoff l’avait fait boire, puis l’avait poussé à faire le coup, et qu’il devait, aujourd’hui même, venir chercher les chevaux dans la forêt.

Les paysans laissèrent dans la forêt Guérassim et les chevaux ; puis ils organisèrent un traquenard et attendirent Ivan Mironoff. Quand la nuit fut venue, on entendit un sifflement auquel répondit Guérassim. Aussitôt qu’Ivan Mironoff descendit le talus, on se jeta sur lui et on l’emmena au village.

Le matin, une grande foule s’assembla devant la chancellerie du village. On amena Ivan Mironoff et l’on se mit à l’interroger. Ce fut Stepan Pelaguschkine, un haut paysan maigre, aux longs bras, au nez aquilin, autrefois scribe du village, qui, le premier, commença l’interrogatoire. Stepan, paysan célibataire, avait fait son service militaire. Il s’était séparé de son frère, et à peine commençait-il à se tirer d’affaire qu’on lui avait volé un cheval. Après deux années de travail dans les mines il avait pu s’acheter encore deux chevaux. Ivan Mironoff les lui avait volés tous deux.

— Dis, où sont mes chevaux ! s’écria Stepan, pâle de colère, en regardant sombrement tantôt le sol, tantôt le visage d’Ivan Mironoff.