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et les marchands c’était difficile, et quand il ne réussissait pas chez ceux-ci, il se rabattait sur les paysans. C’était ainsi qu’à Kolotovka, une nuit, il avait dérobé au hasard des chevaux qui étaient au pâturage. Il n’avait pas fait le coup en personne, mais l’avait fait faire par Guérassim, un très habile larron. Les paysans n’avaient remarqué le vol qu’à l’aube, et, aussitôt, s’étaient lancés à la recherche sur les routes, tandis que les chevaux se trouvaient dans le fossé de la forêt appartenant à l’État. Ivan Mironoff se proposait de les garder ici jusqu’à la nuit prochaine, et alors de filer avec eux chez un portier qu’il connaissait et qui habitait à cent verstes de là. Ivan Mironoff se rendit dans la forêt, pour porter à Guérassim des biscuits et de l’eau-de-vie, et pour retourner à la maison, prit un sentier où il espérait ne rencontrer personne. Malheureusement pour lui, il rencontra le garde, un soldat.

— Est-ce que tu viens de chercher des champignons ? lui demanda le soldat.

— Oui, mais cette fois je n’en ai pas trouvé, répondit Ivan Mironoff en montrant son panier, qu’il avait pris pour l’occasion.

— Oui, cet été il n’y a pas beaucoup de champignons, reprit le soldat. Il resta un moment immobile, paraissant réfléchir, puis s’éloigna.

Le garde ne trouvait pas cela très naturel. Ivan Mironoff n’avait pas besoin d’aller si matin dans la forêt de l’État. Le soldat retourna sur ses pas et se mit à fouiller la forêt. Près du fossé il entendit l’ébrouement des chevaux, et, tout doucement, se dirigea vers l’endroit d’où venait le bruit. Dans le fossé la terre était piétinée ; et,