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proviseur, en essayant de les calmer ; mais il ne pouvait les mettre à la raison.

— Mon ministère m’impose le devoir de veiller à l’éducation religieuse et morale…

— Assez de mensonges ! Est-ce que je ne sais pas que vous ne croyez ni à Dieu ni au diable !

— Je trouve indigne de moi de causer avec un homme tel que vous… prononça le père Mikhaïl, blessé par la dernière réflexion de Smokovnikoff, et surtout parce qu’elle était juste. Il avait terminé les cours de la faculté de théologie, c’est pourquoi, depuis longtemps, il ne croyait pas en ce qu’il enseignait et confessait. Il ne croyait qu’une chose : que les hommes doivent s’efforcer à croire en ce que lui-même s’efforçait de leur faire croire.

Smokovnikoff n’était pas tant révolté de l’acte de l’aumônier, que de ce qu’il voyait là une preuve éclatante de cette influence cléricale qui commence à se développer chez nous. Et, à tout le monde, il racontait cette histoire.

Quant au père Wedensky, devant les manifestations du nihilisme et de l’athéisme, non seulement de la jeune génération, mais de la vieille, il se convainquit de plus en plus de la nécessité de lutter contre cela. Plus il blâmait l’impiété de Smokovnikoff et de ses semblables, plus il se sentait convaincu de la vérité et de la solidité de sa religion, et moins il sentait le besoin de la contrôler et de la mettre d’accord avec sa vie. Sa religion – reconnue par tous ceux qui l’entouraient – était pour lui l’arme principale de la lutte contre ses ennemis.

Ces pensées, provoquées par son altercation avec Smokovnikoff, jointes aux ennuis administratifs qui en résultèrent pour lui, c’est-à-dire, observa-