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et il lui semblait vaincre, mais arrivait midi, l’heure de leurs anciens rendez-vous, l’heure à laquelle il la rencontrait avec son sac d’herbe, et il allait dans le bois.

Ainsi s’écoulèrent cinq pénibles journées. Il ne la voyait que de loin et, pas une seule fois, ne s’approchait d’elle.


XV

Lise se remettait peu à peu, commençait à marcher, et s’inquiétait du changement qui se faisait en son mari et qu’elle ne comprenait pas.

Varvara Alexievna partit pour un certain temps, et il ne restait plus chez eux que l’oncle et Marie Pavlovna.

Eugène se trouvait en cet état de demi-folie, quand arrivèrent, comme il arrive souvent après les orages de juin, de longues pluies, qui durèrent plusieurs jours. Ces pluies bouleversèrent tous les travaux ; on ne pouvait même ramasser le fumier à cause de l’humidité et de la boue ; les paysans restaient dans leurs demeures ; les bergers avaient beaucoup de peine à ramener leurs troupeaux dans les étables ; des vaches et des moutons s’enfuirent dans différentes cours, et des femmes, couvertes de châles, clapotaient pieds nus dans la boue à la recherche des vaches en fuite. Des cours d’eau se formaient sur les routes ; toutes les feuilles, toute l’herbe étaient trempées ; les ruisseaux et les mares débordaient.

Eugène était à la maison, avec sa femme, qui ce jour était particulièrement ennuyée. Plusieurs fois elle avait interrogé son mari sur la