Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/362

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mais non, maman ; ce n’est rien. Je vais me relever tout de suite.

Elle se releva avec l’aide de son mari, mais, au même moment, elle pâlit, et l’effroi se peignit sur son visage.

— Oui, je ne me sens pas bien, lui chuchota-t-elle pour que sa mère n’entendît point.

— Ah ! mon Dieu ! qu’a-t-on fait ? Je disais de ne pas marcher, criait Varvara Alexievna. Attendez ! J’enverrai des gens. Elle ne doit pas marcher. Il faut la porter.

— Tu n’as pas peur, Lise ? Je te porterai, dit Eugène, en passant autour de sa taille son bras gauche. Prends-moi par le cou. Tiens, comme ça, — et s’inclinant, il glissa son bras droit en dessous, des jambes et la souleva. Jamais il n’oublia l’expression de souffrance et en même temps de bonheur qui se reflétait en ce moment sur son visage.

— Ce n’est pas trop lourd, chéri ? lui demanda-t-elle en souriant. — Maman qui court, regarde, — et elle se pencha vers lui et l’embrassa. Elle désirait visiblement que sa mère vit comment il la portait.

Eugène cria à Varvara Alexievna de ne point se hâter, qu’il la porterait très bien. Varvara Alexievna s’arrêta et se mit à crier encore plus fort :

— Tu la laisseras tomber, c’est sûr ! Tu veux la tuer ! Tu n’as pas de conscience !

— Mais je la porte très bien.

— Je ne veux pas… je ne puis pas voir comment tu tueras mon enfant ! Et elle s’enfuit au bout de l’allée.

— Ce n’est rien, ça passera, dit Lise en souriant.