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Marie Pavlovna et Varvara Alexievna, en robes élégantes, tenant leurs ombrelles, sortirent sur le perron et s’approchèrent de la ronde. L’oncle, un débauché, un ivrogne, qui passait l’été chez Eugène, les suivait, en petit veston chinois.

Comme toujours, il y avait un grand cercle bigarré de couleurs vives, de jeunes femmes, de jeunes filles, et ce cercle était le centre de tout. Autour de ce cercle, de différents côtés, comme des planètes qui se sont détachées et tournent autour de l’astre principal, tantôt des petites filles, se tenant par la main, faisaient froufrouter leurs jupes neuves d’indienne ; tantôt de jeunes garçons, qui riaient à quelque chose, se poursuivaient et s’attrapaient les uns les autres ; tantôt des garçons plus âgés, en poddiovka bleues et noires, bonnets et blouses rouges, passaient en faisant craquer sans répit des grains de tournesol ; tantôt c’étaient des domestiques ou des étrangers qui, de loin, regardaient la ronde.

Les deux dames s’approchèrent du cercle même, et, après elles, Lise, en robe bleue, un ruban de même couleur dans les cheveux, ses bras longs, blancs, aux coudes pointus, émergeant des larges manches. Eugène n’avait point envie de sortir, mais il eût été ridicule de se cacher. Il sortit donc sur le perron, la cigarette aux lèvres, salua les garçons et les paysans, et causa avec l’un d’eux. Les femmes, pendant ce temps, chantaient à plein gosier les motifs de la danse, frappaient des mains et dansaient.

— Madame vous appelle ! dit un domestique en s’approchant d’Eugène qui n’entendait pas que sa femme l’appelait.

Lise l’appelait pour regarder danser une des