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tout, m’a-t-il dit, c’est mieux avec un Monsieur qu’avec un paysan.

— Et puis, qu’a-t-il dit encore ?

— Rien. Seulement il a ajouté : Attends, je saurai la vérité, et je lui ferai voir…

« Si le mari revient, je la quitterai. » Mais le mari restait en ville et leurs relations continuaient. « Quand le moment sera venu, je romprai, et tout sera fini, » pensa-t-il. Et cela lui parut indiscutable, d’autant plus que cet été plusieurs choses l’occupèrent : la construction d’un nouveau hameau, la récolte, des bâtisses, et, principalement, le paiement de la dette et la vente d’une partie des terres. Toutes ces choses l’absorbaient entièrement, il y pensait du lever au coucher. Tout cela, c’était la vie, la vraie vie, tandis que ses rapports (il n’appelait même pas cela liaison) avec Stepanida n’étaient d’aucune importance. Il est vrai que quand paraissait le désir de la voir, c’était avec une telle violence qu’il ne pouvait penser à rien d’autre ; mais cela ne durait pas longtemps : un rendez-vous, et de nouveau il l’oubliait pour des semaines, parfois pour un mois.

L’automne venu, Eugène alla souvent en ville, et là il fit connaissance de la famille Annensky. Dans cette famille il y avait une jeune fille qui venait de sortir du pensionnat, et, à la grande tristesse de Marie Pavlovna, il arriva que, selon son expression, Eugène se vendit à bon marché. Il s’amouracha de Lise et demanda sa main. Dès cet instant ses rapports avec Stepanida cessèrent.