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alla dans sa chambre. Quelqu’un frappa. « Qui diable est-ce encore ? » Il cria :

— Qui est là ?

Dans la chambre entra son fils, un garçon de quinze ans, élève de cinquième du lycée.

— Qu’est-ce que tu veux ?

— C’est aujourd’hui le premier…

— Quoi ? L’argent ?

Il était établi que, le premier de chaque mois, le père donnait à son fils, comme argent de poche, trois roubles.

Fédor Mikhaïlovitch fronça les sourcils, tira son portefeuille, y chercha, en sortit un coupon de 2 roubles 50 ; puis, prenant sa bourse, compta encore 50 kopecks, en petite monnaie.

Le fils ne prenait pas l’argent et se taisait.

— Père… je t’en prie… donne-moi une avance…

— Quoi ?

— Je ne te l’aurais pas demandée… mais j’ai emprunté sur parole d’honneur… et j’ai promis. En honnête homme, je ne puis pas… Il me faudrait encore trois roubles… Je t’assure que je ne te demanderai plus rien… Je ne demanderai plus… mais donne-les-moi, je t’en prie, père…

— Je t’ai dit…

— Père… c’est la première fois…

— On te donne trois roubles par mois, et ce n’est pas assez pour toi… À ton âge, on ne me donnait même pas cinquante kopecks.

— Maintenant tous mes camarades reçoivent beaucoup plus. Petroff, Ivanitzky reçoivent cinquante roubles…

— Et moi je te dis que si tu te conduis de cette façon-là tu deviendras un filou… Je t’ai dit…

— Mais quoi, vous avez dit !… Vous ne vous