de mener quelque temps une vie de continence pour qu’aussitôt en résulte une inquiétude, une excitation, qui, en s’exagérant à travers le prisme de notre vie innaturelle, provoque l’illusion de l’amour.
Toutes nos idylles et le mariage, toutes, pour la plupart, sont le résultat de la nourriture. Cela vous étonne ? Quant à moi, je m’étonne que nous ne nous en apercevions pas. Non loin de ma propriété, ce printemps, des moujicks travaillaient à un remblai de chemin de fer. Vous connaissez bien la nourriture d’un paysan : du pain, du kvass[1], des oignons. Avec cette nourriture frugale, il vit, il est dispos, il fait les travaux légers des champs. Mais au chemin de fer, son menu devient du « cacha[2] », une livre de viande. Seulement, cette viande il la restitue en un labeur de seize heures, en poussant une brouette de douze cents livres.
Et nous, qui mangeons deux livres de viande, de gibier, nous qui absorbons toute