Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Pavlovsky.djvu/231

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sentis froid aux pieds et je me souvins que dans le wagon j’avais ôté mes chaussettes de laine et les avais mises dans mon sac de voyage. Où avais-je mis le sac ? Était-il avec moi ? Oui ! Et le panier ?…

Je m’avisai que j’avais totalement oublié les bagages. Je pris mon billet, puis décidai que ce n’était pas la peine de retourner. Je continuai ma route. Malgré tous mes efforts pour me souvenir, je ne puis, à cette heure, parvenir à comprendre pourquoi j’étais si pressé. Je sais seulement que j’avais la conscience qu’un événement grave et menaçant se préparait dans ma vie. C’était une véritable auto-suggestion. Était-ce si grave parce que je le pensais ainsi ? Ou bien avais-je un pressentiment ? Je n’en sais rien. Peut-être aussi qu’après ce qui est arrivé, tous les événements antérieurs ont pris dans mon souvenir une teinte lugubre.

J’arrivai devant le perron. Il était une heure après minuit. Quelques isvotchiks étaient devant la porte, attendant des clients attirés par les fenêtres éclairées (les fenêtres