quelles qu’elles aient été, n’ont pas d’importance pour moi, ni pour elle non plus. L’important est ce que je vous ai raconté. Tout le drame est dû à ce que cet homme est arrivé chez nous à une époque où un abîme immense était déjà creusé entre nous, cette effroyable tension de la haine mutuelle où le moindre motif suffisait pour faire éclater la crise. Nos brouilles dans les derniers temps, c’était quelque chose de terrible, et d’autant plus étonnantes qu’elles étaient suivies d’une passion brutale extrêmement tendue. Si ce n’eût été lui, quelque autre serait arrivé. Si le prétexte n’avait pas été la jalousie, j’en aurais trouvé un autre. J’insiste sur ce point que tous les maris qui vivent le mariage comme je le vivais doivent ou faire la noce, ou se séparer, ou se tuer, ou tuer leur femme, comme je l’ai fait. Si cela n’arrive pas à quelqu’un, celui-là est une exception très rare, puisque, avant de finir comme j’ai fini, j’ai été plusieurs fois sur le bord du suicide et que ma femme a plusieurs fois tenté de s’empoisonner.
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