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meurt, la poule glousse et la vache beugle quelque temps, puis ces bêtes continuent de vivre, oublieuses. Chez nous, si l’enfant tombe malade, que faire, où le soigner, quel docteur appeler, où aller ? S’il meurt, il n’y aura plus ni menottes, ni petits pieds, et alors à quoi bon les souffrances endurées ? La vache ne demande pas tout cela, et voilà pourquoi les enfants sont une misère. La vache n’a pas d’imagination, et c’est pourquoi elle ne peut penser comment elle aurait pu sauver l’enfant, si elle avait fait ceci ou cela, et son chagrin, qui se fond dans son être physique, ne dure qu’un temps très court, n’est qu’un état et non pas cette douleur qu’on exagère, grâce à l’oisiveté et à la satiété, jusqu’au désespoir. Elle n’a pas ce raisonnement grâce auquel on demande le pourquoi : « Pourquoi supporter toutes ces tortures, pourquoi tant d’amour si les petits doivent mourir ? » Elle n’a pas de logique qui lui dicte de ne plus avoir d’enfant, et que si par surprise on en a, il ne faut ni les aimer ni les nourrir, pour ne pas souffrir.