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mais, comme tout le monde, je me le cachais à moi-même et aux autres, et, sans ce dénoûment, je ne me l’avouerais pas encore aujourd’hui. Maintenant, je m’étonne que la vérité de cette situation m’ait échappé si longtemps. J’aurais pu cependant le comprendre à la futilité des motifs qui faisaient naître nos disputes, futilité telle qu’une fois la querelle apaisée, nous ne pouvions en retrouver la cause.

Il nous était impossible de recouvrir d’une apparence de raison cette hostilité latente qui existait entre nous. Comme les jeunes gens qui, à défaut de sujet joyeux, rient de leur propre rire, n’ayant plus de raisons pour notre haine, nous nous haïssions pour satisfaire à la haine que renfermait notre âme. Mais ce qu’il y avait de plus extraordinaire encore, c’est que nous manquions de motifs pour nous réconcilier. Quelquefois c’étaient