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mariaient pour accaparer une dot ou se créer des relations. J’étais riche, elle pauvre ; qu’est-ce que cela pouvait me faire ? Une autre chose dont je m’enorgueillissais, c’était que, contrairement à ceux qui, en se mariant, n’abandonnent pas leurs idées de polygamie, je m’étais juré de vivre toujours en monogame, dès mon mariage. J’étais un misérable et je me croyais un ange.

Nous ne restâmes pas longtemps fiancés. Je ne puis évoquer sans rougir les souvenirs de cette époque. Honte et dégoût ! Si c’eût été un amour platonique, puisque c’est de celui-là que nous parlons, et non sensuel, il aurait dû, cet amour platonique, se traduire en paroles, en entretiens. Rien de semblable. Dans nos tête-à-tête la conversation était pénible, un vrai travail de géants ! À peine avais-je trouvé ce qu’il fallait dire, à peine l’avais-je dit que j’étais obligé de me taire et de