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Je me rendis compte de cette action avec une clarté extraordinaire. Je revois toute la scène : la résistance du corset, d’un autre objet encore, puis le poignard s’enfonçant dans la chair molle.

Elle avait voulu saisir le poignard avec ses mains, s’était blessée, mais n’avait pu l’arrêter.

Plus tard, en prison, quand une révolution morale se fut faite en moi, je revis cette minute et je me demandai quelle aurait dû, quelle aurait pu être ma conduite. J’ai encore en mémoire l’instant qui précéda cette action terrible, la notion exacte que j’avais, que j’allais tuer ma femme sans défense, ma propre femme.

Le soutenir de ce sentiment m’obsède encore et je crois me rappeler que je retirai tout de suite le poignard comme pour réparer ce que je venais de faire.