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cabinet, surtout à cette heure. Tout à coup je reconnus ses pas qui approchaient. Une pensée terrible, ignoble, envahit mon âme : « Venait-elle chez moi à cette heure indue, comme la femme d’Urie, pour cacher une faute déjà commise ? Venait-elle réellement chez moi ? » Et ses pas se rapprochaient. « Mais si elle venait, j’avais donc raison ? »

Une haine terrible s’empare de moi. Les pas se rapprochent, se rapprochent encore. Passerait-elle par là pour aller au Salon ? Non. La porte grince et sur le seuil elle apparaît en sa taille haute et souple, douce et gracieuse. Dans ses traits, dans ses regards, une timidité, une expression insinuante qu’elle veut dissimuler mais qui me saute aux yeux et dont je saisis toute la portée. Je faillis étouffer, tellement je retenais ma respiration, et, sans cesser de la regarder, je pris une cigarette et l’allumai.